jeudi 27 janvier 2011

Chalet de la Charmette : le débat continue...

La pétition en ligne lancée il y a quelques jours connait un réel succès. A ce jour, jeudi 27 janvier, à 9h, 1100 signatures pour soutenir l'idée que le chalet reste dans le domaine public.

Ci-dessous, une réaction d'un signataire avec beaucoup de questions sur l'avenir de la Charmette et la réponse, mais surtout des reflexions d'Isabelle Légé, gérante du chalet entre 2000 et 2010, sur son vécu. A lire pour mieux comprendre la situation.
Précision encore : la pétition est portée par l'association "L'Amicale de Proveyzieux", soutenue par quelques habitants.

Les arguments ci-dessous ou sur le site Internet de Proveysieux sont très succincts et ne sont pas assez convaincants pour que je signe la pétition. J'aime beaucoup ce site de la Charmette, et je pense en effet qu'il faut le préserver. Mais il faut bien reconnaître qu'il n'était peut-être pas exploité jusqu'à présent comme il aurait pu l'être dans une vraie vocation d'accueil et d'animation, y compris culturelle. Je comprends que le principal argument développé dans la pétition est que la mission touristique et culturelle ne peuvent être correctement assurées que par une structure publique. L'argument me paraît très discutable. Je suis d'accord avec les vocations que vous proposez pour le site, une fois celui-ci rénové. Mais quel projet et quel financement pour la rénovation ?

Pourquoi le privé ne pourrait-il pas assurer une animation, y compris culturelle, et l'accueil de professionnels et du public ?
Un simple exemple : je connais à peu près tous les refuges de la Vallée de la Clarée (haute vallée de la Névachie). Les refuges privés, les plus nombreux, sont incomparablement plus accueillants, animés, parfois de façon originale, et sympathiques, que le Refuge des Drayères, géré par un organisme associatif "para-public".
Pour ces différentes raisons, avant de me prononcer sur la pétition, je souhaiterais avoir plus d'informations sur les raisons qui ont conduit à la fermeture du Chalet, et sur les suites que souhaite donner l'organisme propriétaire actuel.
Bien cordialement
Bernard VALENTIN - Grenoble




Réponse d'Isabelle Légé :

Essayons donc de vous convaincre !

Il nous parait bien sûr évident qu'il est toujours possible de faire plus/mieux (il est d'ailleurs facile d'avoir cette impression de l'extérieur), mais nous serions prêts, pour vous convaincre que le maximum a été fait, à visiter le chalet avec vous.

C'est un quasi miracle que nous ayons pu faire de l'hébergement et des repas sans eau potable (enfin, sans eau contrôlée, l'eau servie au client était amenée de Grenoble, qui plus est l'eau au robinet a été amenée à nos frais et à ceux du groupement pastoral avec l'aide de bénévoles proveysards), sans assainissement (l'assainissement est littéralement "à ciel ouvert" sans jeu de mot), sans électricité, sans chauffage, sans bail à plus long terme que 5 ans (et pendant plusieurs années sur quelques mois), sans toit étanche (et en eternit ..) ...

Le nombre des animations culturelles de haute qualité (liste sur demande) a été très important pour des choses qui ont toujours été financées sur nos fond (quand on dit financé, c'est réel, artistes payés). Nous pensons que jusqu'à maintenant il a été exploité au maximum du possible, dans l'espoir de pouvoir faire mieux un jour. Nous pourrions ajouter l'interdiction depuis cette année que quiconque dorme en haut, le début de l'écroulement du plancher d'un des 2 dortoirs (seul investissement de l'ONF) résultant quasiment dans l'arrêt de l'exploitation possible comme lieu de couchage.

Nous mêmes, sommes des privés avec 2 entreprises sur les bras. Pour la petite histoire, même si nous l'approuvons à 100%, nous ne sommes pas directement à l'origine de la pétition qui a été rédigée par l'Amicale de Proveysieux (Note : vous pouvez joindre l'Amicale sur leur mail : amicale.proveyzieux@laposte.net).
Pourquoi nous semble-t-il que seule une collectivité aurait les pouvoirs/moyens de reprendre le lieu pour le bien commun ? Tout d'abord, se pose le problème de la situation. Les arcanes de l'histoire et de l'administration font que la Charmette est sur la commune de Saint Pierre de Chartreuse et non pas sur Proveysieux comme chacun semble le penser ...

Saint Pierre de Chartreuse ignore bien sûr totalement la Charmette loin de la station et pour rejoindre laquelle il faut faire pas loin de 40km au travers de plusieurs communes "rivales". On peut avoir l'impression que c'est plutôt un atout (la commission de sécurité va nous oublier), c'est plutôt un handicap (zéro intérêt, ladite commission de sécurité prend absolument zéro risque). Pire, il semble que le prix plancher ait été décidé sur ces bases : 500m2, commune de Saint Pierre, station de ski, gros barème parisien, égale 300k€ ... ridicule au regard de l'état du bâtiment, de la route ouverte 5-6 mois par an ... Ensuite les coûts. A partir du moment ou l'on parle d'exploitation d'un lieu, il faut parler retour sur investissement. Les architectes de l'ONF ont estimé à 700k€ la remise en un état exploitable comme Etablissement Recevant du Public. Plus 300k€ d'achat. Soit 1M€. Notre exploitation sur ces 10 années a permis en gros de sortir un seul SMIC sur 3-4 mois (en jouant le jeu, tout déclaré). Même si une remise en état pourrait forcément considérablement augmenter ces revenus, rentabiliser ce genre de somme est difficilement à la portée d'un privé sans quelques garantie du public qui semble loin de vouloir jouer le jeu.

L'ONF n'est pas contente de la vente et ne fera probablement rien pour aider a l'exploitation (par exemple, motoneiges interdites malgré des tentatives précédentes, nécessaires pour une exploitation hivernale comme dans la Clarée).

La pétition suggère bien une remise en état et une propriété par le Public avec une mise en gérance pour l'exploitation. Nous sommes d'accord, le public n'est jamais très fort pour exploiter, mais seule la force publique qui agit en principe pour le bien commun nous semble à même d'investir une pareille somme sans en attendre un retour "financier" quantifié dans les 5 ans, c'est aussi son rôle d'avoir des actions pas forcément financièrement rentables mais plutôt socialement rentables, la Charmette est un lieu de repos/sortie idéal si près de Grenoble. Qui plus est, elle seule pourra passer par dessus le problème de limites administratives (voire le résoudre, on peut rêver d'un retour de la Charmette sur la commune de Proveysieux), elle seule pourra peser face à l'ONF, au Parc, ...

Pensez-vous par ex qu'un privé verra d'un bon oeil 300 vaches, 2 fois par an qui investissent littéralement le chalet ... (le bail actuel nous obligeait à ouvrir le chalet aux exploitants de l'alpage lors de la montée et de la descente des bêtes, à nos frais bien sûr car ce jour-là , entre 50 et 100 se servent du chalet comme d'une salle hors-sac, essayez de vendre une omelette ce jour-là ...!)La plupart des refuges de la Clarée sont effectivement privés, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Ce sont souvent des propriétés familiales qui ont été développées au cours de longues années (pas de risque de bail) de taille en générale plus petite (plus facile à isoler et chauffer) pour lesquelles l'administration (au sens large, locale, Offices de tourisme, Parc) a été beaucoup plus libérale (autorisation des quads et motoneige pour l'exploitation hivernale) .. ce qui semble beaucoup moins évident en Chartreuse (oui, que fait le Parc Régional dans ce cadre ???).

Par contre, et nous connaissons aussi ces refuges, permettez nous de douter concernant par exemple les "animations culturelles", elles sont plutôt sportives et/ou touristiques (pot d'accueil des vacanciers, repas de village, etc.). Les animations culturelles à la Charmette ont reçu des groupes musicaux/théatreux de niveau régional (par exemple : les Barbarins Fourchus) que vous ne trouverez jamais dans un chalet à 2 h de marche de la route ou le public se limitera au contenu du chalet + X.

La seule raison de la fermeture du chalet sont justement la décision de sa vente par France Domaine (l'organisme du ministère des finances qui gère les biens de l'état), l'ONF a donc dû terminer le bail non seulement avec nous exploitant (nous savions que cela arrivait car le bail précédent avait été déjà limité à un an) mais aussi par exemple avec les exploitants de la chasse domaniale qui avaient une pièce dans le chalet. Il semble de plus que l'ONF doivent aménager une zone de pâture dans la forêt (avec l'argent public bien sûr) pour que le nouveau propriétaire n'ai pas les fameuses 300 vaches autour du chalet.

L'organisme propriétaire actuel est l'Etat, et la suite qu'il veut donner est la vente au plus offrant sans se soucier du reste. Le risque couru est donc l'achat par un privé qui l'utiliserait à titre privé. Adieu hébergement, buvette et animations (si l'établissement n'est pas un ERP, l'investissement sera certainement moins lourd).

Permettez-nous de douter de l'existence d'un privé prêt à investir 1 M€ avec un retour incertain pour recevoir du public et faire des animations au coût élevé et à la rentabilité nulle. Par contre nous avons moins de doute sur quelqu'un capable d'investir 500k€ pour pouvoir amener quelques copains privilégiés une fois par an faire une beuverie et leur montrer sa propriété à la montagne si près de Grenoble ... pire, cette personne aura probablement les relations qu'il faut pour poser un hélicoptère.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Le bilan étayé de la situation présenté par Isabelle est impressionnant. Public ou privé ? Ce n'est sans doute pas la question. Comment arriver à équilibrer une exploitation qui demande 1 million d'€ d'investissement et qui rapporte chaque année 3 ou 4 SMIC ? Il vaut mieux donner le million à des pays en voie de développement ...

Privé ? il faut trouver un mécène (qui ?).

Public ? la collectivité qui en ferait l'acquisition doit avoir un budget excédentaire (est-ce que çà existe ?)

Je ne vois pas de solution, même si l'Etat fait cadeau du chalet. A moins qu'il y ait du terrain autour.

Jean B.

Anonyme a dit…

Vous appuyez exactement là ou ça fait mal ...

Cependant il y a juste les points suivants que l'on peut soulever:
- comme je le dis, le chalet ne rapporte que 3-4 SMIC annuellement mais je mentionne le fait qu'on arriverait probablement à un salaire annuel en cas d'exploitation continue ...
- pour le côté "Public" de la chose il y a un retour sur investissement "social" à prendre en compte qui n'intéresse probablement pas le "Privé", c'est quand même un lieu à 20km de Grenoble en théorie accessible à tous, une balade, une bouffée d'oxygène et une grenadine sur la terrasse lors des (très) fortes chaleurs grenobloises ne coûtent pas grand chose. On connait d'autres investissements des collectivités (le stade ? quel stade ?) qui ont coûté considérablement plus cher et qui ne font pas beaucoup pour l'oxygénation de nos concitoyens malgré leur image "sportive" ...
- quant au fait qu'il vaudrait mieux donner ce million à un pays en voie de développement, je pense que ce n'est absolument pas le débat, ce ne sont pas les mêmes budgets ni les mêmes choix ni les mêmes raisons ... je sais que le budget global n'est pas extensible, mais s'il faut faire ce type d'arbitrage pour La Charmette, il y a des millions de choses beaucoup plus inutiles (au sens du bien commun et de la collectivité) qu'on pourrait zapper avant (stade à 80M€, avion présidentiel à 176M€ + 49M€/an, voyages aux Antilles par avion de location, etc etc etc etc etc ...)

Comme on dit la solution est à imaginer, la première étape d'une cession pour l'euro symbolique à la collectivité la plus appropriée (Proveysieux ? Communauté Balcon Sud) pourrait en tous cas de conserver le chalet dans son fonctionnement actuel (ouvert au public) jusqu'à trouver LA bonne solution assortie de son financement. La vente à un Privé règlera aussi définitivement le problème, mais pas pour le bien de la collectivité.
Isa L.

Anonyme a dit…

Bonjour.
Je découvre ce jour, le Chalet de la Charmette sur le site de vente de l'ONF.
En faisant des recherches sur internet, je prend connaissance des problèmes liés à la mise en vente de ce lieu magnifique.
J'ai lu votre commentaire Isabelle et je comprend que vous soyez amère et en colère.
Je suis gardienne d'un gîte-refuge écologique privé, dans les Hautes Alpes. (Eau de source, éoliennes, panneaux solaires thermiques pour l'eau chaude sanitaire, photovoltaïques pour l'électricité, ainsi qu'une turbine hydroélectrique pour l'électricité).
Nous vendons notre gîte et je suis à la recherche d'une autre structure à reprendre.
C'est comme ça que j'ai découvert la Charmette.
Nous sommes mon compagnon et moi très respectueux des personnes et de la nature.
Pourquoi penser qu'un privé ne respecterait pas le travail accompli ?
Pourquoi ne pas mobiliser les moyens (financiers et manuels) de chacuns pour que ce lieu continue de vivre ?
Je connais bien les gardiens et gardiennes des refuges de La Clarée et des Hautes Alpes en général, car nous faisons partie de l'association des gardiens de refuge des H.A. Je vous assure que très peu de ces refuges sont accessibles en voiture, motoneige ou autres. Les seuls moyens de ravitaillement sont le portage à dos d’ânes ou d'hommes et l'héliportage, à la charge du gérant, que ce soit un privé ou un gestionnaire des refuges du CAF (club alpin français).
Je serai heureuse que vous me contactiez Isabelle pour discuter avec vous de tout ça....et pourquoi pas, de trouver une solution qui puisse satisfaire tout le monde.
Bien cordialement.
CHOUPETTE