C'est l'une des plus longues séries de mesures sur la nivologie : la station du Col de Porte, en Chartreuse, enregistre le lent déclin de l'or blanc en moyenne-montagne.Reportage avec Marie Dumont, chercheure du Centre d'étude de la neige.
Sarcenas, France
Il faut bien veiller à marcher dans ses pas pour ne pas abîmer l'objet de ses recherches - la neige, qui vient de tomber sur le massif de la Chartreuse. Le site du Centre d'étude de la neige, au Col de Porte (1 326 mètres), est protégé par un grillage pour éviter que les skieurs de la station toute proche ne viennent piétiner la précieuse matière blanche.
Marie Dumont, chercheur Météo-France / CNRS, nous guide à travers la ribambelle d'instruments et de capteurs installés sur le périmètre. Là un pluviomètre, qui mesure les précipitations et leur état (neige ou pluie), ici un portique pour analyser les rayonnements solaire, thermique et aussi celui que renvoie la neige. Au col de Porte, les scientifiques étudient le manteau neigeux depuis maintenant 60 ans. L'une des plus longues séries de mesures. Marie Dumont creuse un trou pour obtenir une coupe verticale - une stratigraphie. La routine pour cette scientifique basée à Saint-Martin-d'Hères et qui étudie en particulier les phénomènes liés à la coloration de la neige.
Forte variabilité
En ce début février, on mesure 61 centimètres de cumul à la station du Col de Porte, dont 17 centimètres de neige fraîche et "roulée" (c'est-à-dire que les grains ont gelé avant de tomber sur le sol). Jusqu'ici, ce n'est pas un très bon hiver. "On est dans les 20% des enneigements les plus faibles enregistrés ici à cette date depuis 1960", note Marie Dumont. Peu de neige, donc, mais pas un record. Durant les hivers 1963-1964 et 2006-2007, le manteaux neigeux n'avait pas dépassé les 60 centimètres. À l'autre bout du spectre, on a mesuré un cumul de 3,05 mètres en avril 1970 ! Certes, les chiffres sont très variables d'une année sur l'autre, mais la tendance est bien à la décrue confirme la scientifique. Depuis 1990, le manteau neigeux n'a plus jamais dépassé les 2 mètres au Col de Porte.
40 centimètres perdus en 30 ans
"On voit, en moyenne, une tendance à la diminution de l'enneigement avec une perte de 40 centimètres sur 30 ans, détaille Marie Dumont. Ici on enregistre une augmentation des températures hivernales de 0,3 degrés tous les 10 ans ; par contre quand on regarde les précipitations totales donc la pluie plus la neige, ça ne bouge pas beaucoup. Donc l'élévation des températures fait que les précipitations vont tomber plus souvent sous forme de pluie et moins souvent sous forme de neige."
Avec la hausse continue des températures, on s'attend à avoir dans les années qui viennent un manteau neigeux plus humide et plus dense à cette altitude (1325 mètres). Et moins de neige, ça ne veut pas dire moins de risque d'avalanche. "La nature de l'aléas va changer, souligne Marie Dumont : il y aura sans doute plus d'avalanches de neige humide comme par exemple ce qu'il s'est passé le week-end dernier (1-2 février) où il a plus extrêmement haut, jusqu’à 2000-2500 mètres. Cette pluie qui tombe sur un manteau neigeux qui est déjà épais, ça peut créer des avalanches qui n'auraient jamais eu lieu auparavant." Et il faudra sans doute aussi revoir la carte des secteurs à risque.
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