Les deux confinements auront laissé beaucoup de traces dans nos façons de vivre. Parmi les activités qui semblent complètement modifiées, on peut citer le télétravail. D’occasionnel, voire confidentiel avant la crise, il est devenu beaucoup plus régulier et pas seulement depuis que le gouvernement a préconisé « 100 % de travail à distance pour tous les postes où c'est matériellement possible ». Nouvelle norme ? Un grand nombre de salariés aspirent à mêler davantage travail à distance et en présentiel parce qu’ils y trouvent satisfaction (90% de salariés considèrent que le télétravail améliore leur qualité de vie personnelle, 84% considèrent que le télétravail contribue à l’amélioration de la qualité de vie familiale).
Bien sûr, pour 6 actifs sur 10, le travail à distance reste tout à fait impossible, leur présence étant indispensable sur leur lieu de travail et c’est le cas notamment d’une grande partie du secteur tertiaire. Le ministère du Travail estime toutefois que 8 millions d'emplois sur un total de 26 millions d'actifs sont éligibles au télétravail.
Alors dans le détail qu’est-ce que ça donne ?
- Qui sont ces télétravailleurs de Chartreuse et que font-ils ? Essentiellement des cadres et des professions intellectuelles provenant du secteur privé ; moyenne d'âge 45 ans, 60 % de femmes. Leurs professions : ingénieur, chercheur, chef de projet, responsable technique, mais aussi cinéaste ou secrétaire.
- Avant la crise ? Oui, ils faisaient pratiquement tous déjà du télétravail, mais beaucoup moins fréquemment.
- Ont-ils choisi de télétravailler ? Pour 2/3 d’entre eux, cela leur a été plutôt imposé, mais la consigne gouvernementale a fait bien avancer les décisions, et ils sont plutôt d’accord si le télétravail peut faire reculer la pandémie. « C’est une plus grande liberté et avec le temps qu’on gagne sur les temps de transport, c’est un vrai plus », dit Jérôme (*).
- L’entreprise est-elle réticente ? « Dans un contexte plein d’incertitudes, faire confiance c’est extrêmement important », précise un chercheur. C’est peut-être allé un peu vite pour les petites PME. Imposé lors du premier confinement, certaines entreprises l’ont revu à la baisse entre les deux confinements. Par contre, dans les grosses entreprises, les règles sont strictes. On peut penser que le télétravail s’installera durablement, ce qui va sans doute poser un gros problème d’utilisation des quartiers de bureaux où l’on parle déjà de mutualisation des espaces.
- Quel rythme de travail ? ça va de un jour par semaine à 100 %. La majorité est autour de 2 à 3 jours/semaine, ce qui leur convient bien. Certains, par contre, n’ont pratiquement plus revu leur entreprise depuis mars ! Il faut faire attention à l’isolement car un certain nombre de salariés vivent mal un télétravail longue durée.
- Entre les deux confinements, vous avez continué ? Oui, le pas est pris, le rythme aussi. Environ la moitié du temps en télétravail pour 80 % d’entre eux.
- Travaillent-ils
plus ? Pas sûr… Le télétravail semble plus efficace et surtout avec des
temps de transport supprimés, on est directement dans le dur. Ces suppressions de
déplacements entraînent d’ailleurs
un vrai manque à gagner pour les réseaux publics urbains de transport. On se
déplace moins, mais surtout, quand on le fait, on utilise plus sa voiture… On
est passé au vélo, qui voit ses stocks complètement épuisés en cette période de
fêtes… Faudra trouver autre chose pour mettre sous le sapin ou attendre !
- Vie professionnelle/vie familiale, vous vous y retrouvez ? Forcément, c’est le gros plus. Enfin, surtout pendant ce deuxième confinement avec l’absence les enfants qui sont de nouveau scolarisés. « C’est complètement incompatible avec des enfants à la maison, frustrant et inefficace ». Moins de stress, plus de temps pour la « concentration » dans un milieu calme. Par contre, ils reconnaissent qu’un bureau à la maison, dédié au confinement, est bien plus propice au télétravail. Certains ont tendance à supprimer les coupures, à retarder les pauses repas ou à décaler leurs heures sur la soirée afin de s’occuper des enfants. Ils prennent même le temps de faire le marché du vendredi matin à Saint-Egrève… En clair, le télétravail c’est bien si personne ne nous dérange…
- Avez-vous le matériel nécessaire pour bosser sérieusement ? Là aussi, ça dépend des boites. Certains ont un portable prêté par l’entreprise pour 4 personnes… A elles de tourner ! Souvent, c’est du matériel perso dans un coin de bureau qu’on a bricolé soi-même. Si on est deux à travailler dans la même pièce, ça peut être perturbant… Le gros problème c’est bien sûr le débit informatique, on y reviendra. Certains sont privilégiés : « l'entreprise me fournit ordinateur portable, 2 écrans, sièges de bureau, casque audio. ». Le must ! Ils embauchent ? Globalement, c’est un peu du bricolage, sans parler des problèmes de sécurité informatique.
- Les conférences audio ou vidéo ? Beaucoup, trop disent certains, « entre 50 et 75 % de mon temps de travail ». Tous les jours, c’est certain. Là aussi, le débit limite les vidéoconférences. Les conférences sur Zoom sont devenues un nouveau lien social qu’en utilise d’ailleurs bien au-delà du télétravail… C’est prévu pour les téléréveillons selon Castex…
- Vos collègues que vous ne voyez plus ? « Qui n’a pas déjà repensé au plaisir d’une pause-café entre collègues, un moment si banal aux conversations si futiles ? », dit Eric. « Cette femme de ménage à qui l’on souriait tous les matins, cet agent qui regardait nos badges à l’entrée, cette cantinière que l’on remerciait mécaniquement, ce syndicaliste qui venait nous informer sur nos droits, ce chef qui nous invitait pour un pot afin de resserrer les liens entre nous, ce visiteur, ce commercial… », dit Adeline (*). Toutes ces personnes sont sorties de notre environnement ! On les voit sur les écrans ou on échange par courriel, ce n’est pas pareil. Le côté lien social fait vraiment défaut à beaucoup, surtout pendant ces périodes de confinement où l’on ne voit pas non plus grand monde dans le village, en dehors de ses proches. Pour résumer… la présence au travail est plutôt irremplaçable.
- Le débit ou la vitesse du réseau ? On y vient… Réponses quasi unanimes : à quand la fibre optique ? « Ça déconnecte, ça rame, le son est hachuré sans parler des images, ça ne se connecte plus, c’est très pénalisant… ». « Pendant le 1er confinement, avec 2 adultes et 2 collégiens à la maison, c’était quasi impossible », dit Tanguy (*). Obligés de partager, de limiter, de connecter les points d’accès mobiles. Certains se sont équipés de routeurs supplémentaires. La fracture numérique apparait. Et puis, cette fibre, on l’attend depuis si longtemps que, forcément, on n’y croit plus vraiment ! On dit maintenant qu’on ne serait équipés de sitôt, entre 2021 et 2024 au plus tard !… Pas rassurant ! Pas unanimes quand même sur l’arrivée de la fibre : « Je ne l’attends surtout pas avec impatience et ne vois pas ce que cela m'apporterait de plus… permettre la digitalisation du monde, et la disparition des vrais rapports sociaux… ». A méditer !
En guise de conclusion
Alors le télétravail, bien ou pas ? Difficile de tirer des véritables conclusions avec seulement une trentaine de témoignages. Il ressort déjà simplement qu’il ne doit pas être subi ni devenir une obligation. Il faut garder le lien social avec l’entreprise et ne pas dépasser 60% du temps de travail. Il faut impérativement avoir de bons outils : ordinateur, siège et bureau adaptés, du calme et de la sérénité pour être vraiment efficace. Par contre, bon point pour la planète si ça évite la pollution et ça retarde le dérèglement climatique.
De toute façon, et pour terminer, dirigeants et décideurs ont bien compris l’intérêt de perpétuer le télétravail. La crise a simplement accéléré les choses.
(*) Les prénoms ont été changés
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire