dimanche 31 octobre 2021

Il y a cent ans, Lucien Vermorel chutait dans l’ascension de la Pinéa et entrait dans la légende

Tous les randonneurs du dimanche connaissent la Pinéa, ce sommet, à portée de l’agglomération grenobloise, qui domine le Sud Chartreuse. D’ascension facile depuis le col de Porte, il est moins connu quand on l’aborde côté Proveysieux. Le sentier qui permet d’atteindre ses 1771 mètres d’altitude, depuis la prairie de Girieu, porte le nom de Lucien Vermorel en hommage à cet alpiniste qui fit une chute mortelle le 2 octobre 1921, il y un siècle. Maurice Dony, son compagnon d’ascension a relaté cette journée tragique dans un ouvrage publié par le CAF (Club Alpin Français).

 

La Pinéa vue de Proveysieux

La face Nord Ouest

Les deux alpinistes se lancent dans la folle ascension de la face Nord Ouest, encore invaincue à cette époque. « C’est une muraille à pic, du rocher peu solide coupé de cheminées mal marquées et de couloirs si verticaux que l’herbe ne s'y attache qu'à grand' peine », précise-t-il. 80 mètres de muraille à gravir avec des équipements plutôt dérisoires : corde en chanvre, espadrilles et  brodequins. « Vermorel veut passer le premier… il est l'aîné et il a récemment encore fait ses preuves au Mont Aiguille par la face nord… ». Maurice Dony ne discute pas. Assez vite, l'ascension devient très aérienne et une retraite serait scabreuse. Où fixer la corde de rappel dans cette muraille délitée où pas une prise n'est franche et qui ne présente aucune aspérité marquée ? Avaient-ils sous-estimés cette face Nord Ouest ? Maurice Dony s’inquiète quand l’ascension se complique. Vermorel ne se décourage pas, espérant trouver une cheminée praticable derrière un pan de muraille terriblement droit, en forme de bec.

 

La chute tragique presque prémonitoire

Après avoir surmonté quasiment toutes les difficultés de la face, à quelques mètres du sommet, une chute de pierre coupe la corde et projette Lucien Vermorel dans le vide. « Une chute effroyable, sans un cri, sans une plainte, et son corps s'arrête juste à l'endroit qu'il m'indiquait, à notre première reconnaissance de la muraille, quatre mois plus tôt, tapissé de fleurs, comme un cimetière idéal pour celui qui tomberait de la Pinéa », écrit Maurice Dony qui parviendra, après de durs efforts à vaincre la paroi et atteindre ce terrible sommet. La photo ci-contre a été prise par Maurice Dony quelques minutes avant la chute...


Dans la prairie de Girieu, départ du sentier Vermorel.

Un sentier portera son nom

Cinq années plus tard, le 13 mai 1926, jour de l'Ascension (!!), deux caravanes d’officiels, formées des deux maires de Proveysieux et Sarcenas, de membres du CAF et de sa famille, partis du Col de Porte et de la prairie de Girieu inaugureront un sentier reliant Proveysieux à la Pinéa, un itinéraire tracé, exécuté par les soins de M. Répiton-Préneuf, inspecteur principal des Eaux et Forêts de l'Isère. Au pied de la falaise de la Pinéa, sera apposée une plaque rappelant l'accident tragique. Aujourd’hui disparue, sans doute emportée par un éboulement, elle portait cette inscription « ICI LUCIEN VERMOREL A TROUVÉ LA MORT - LE 2 OCTOBRE 1921 »

Depuis cette date fatidique, il semble que cette face de la Pinéa, classée 6B, n’ait été que très rarement gravie, c’est du moins ce que l’on peut lire sur certains sites Internet de rando. Pour l'époque, cette ascension était totalement hors-norme.

Le vieux panneau du CAF

Qui était Lucien Vermorel

Lucien Vermorel faisait partie de la section lyonnaise du CAF. Alpiniste aguerri, il avait gravi le Mont Blanc, la Meije, les Écrins, les Aiguilles d'Arves, entre autres… « Il était venu, à 25 ans, à ce sport idéal par excellence avec le désir de vaincre et la joie de la conquête », dira un de ses biographes. Esprit cultivé, généreux, tolérant, aimant la littérature et les sciences, parlant ou écrivant cinq langues, il était le fils de Victor Vermorel, sénateur du Rhône et entrepreneur. Malade au début de la guerre de 14, réformé, il n'eut de paix et de trêve que lorsqu'il fut incorporé. Il partit en Angleterre, devint pilote d'aviation, rentra en France, fut reconnu apte au service armé, et affecté à une escadrille de chasse, où il fit son devoir de soldat et de combattant.Il décède à l'âge de 28 ans.

1 commentaire:

Philippe a dit…

Un grand merci pour le recit de cette page d'histoire de l'alpinisme dans nos contrées !